Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont montré que les différents troubles de l’apprentissage et du comportement ne correspondent pas, comme on le pensait, à des régions spécifiques du cerveau. C’est une mauvaise connectivité entre différents centres ou « hubs » du cerveau qui sont responsables des difficultés présentées par les enfants.

Traduit de Neurosciencenews.com, 27 février 2020 par le Dr Yannick Pauli, avec un commentaire spécialisé en page 3.

Entre 14 et 30% des enfants et des adolescents souffrent de difficultés d’apprentissage suffisamment sévères pour nécessiter du soutien scolaire ou un diagnostic médical. Ces difficultés sont souvent associées à des problèmes cognitifs ou de comportement. Dans certains cas, les enfants qui ont des difficultés à l’école reçoivent un « diagnostic officiel » de trouble de l’apprentissage, tel que dyslexie, dyscalculie, ou dysphasie, ou encore de trouble du développement comme un trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), dyspraxie ou spectre autistique.

Les scientifiques ont eu des difficultés à identifier les zones spécifiques du cerveau qui peuvent donner lieu à ces difficultés, avec des études montrant que de nombreuses zones sont impliquées. Le TDAH a par exemple été associé au cortex cingulé antérieur, noyaux caudés, striatum, cervelet, cortex préfrontal, cortex prémoteur et la plupart des zones du lobe pariétal.

Une explication possible est que chaque diagnostic varie énormément d’un individu à l’autre et que chacun implique une combinaison différente de zones cérébrales impliquées. Cependant, une nouvelle explication innovante vient d’être proposée par une équipe du MRC Cognition and Brain Science Unit de l’Université de Cambridge : il n’y a en fait aucune zone cérébrale spécifique qui cause ces problèmes.

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont utiliser une méthodologie de « machine learning » pour cartographier les différences cérébrales d’un groupe de 479 enfants parmi lesquels 337 avaient des problèmes cognitifs liés à des troubles de l’apprentissage et 142 servaient de groupe de contrôle au développement neurotypique. L’algorithme a interprété des données issues de larges batteries de tests et de mesures cognitifs, d’apprentissage et de comportement ainsi que de scans cérébraux effectués par IRM. Les résultats ont été publiés le 27 février 2020 dans la revue « Current Biology ».

Les chercheurs ont découvert que les différences cérébrales ne correspondent pas aux différentes « étiquettes diagnostiques » que les enfants avaient reçues. En d’autres termes, il n’y avait aucune région spécifique qui permettait de prédire si un enfant souffrait de TDAH ou d’autisme. Plus surprenant encore, ils ont découverts que les différentes régions cérébrales ne permettaient pas de prédire des problèmes cognitifs spécifiques – il n’y avait pas de déficit cérébral spécifique aux troubles du langage ou aux difficultés de mémoire, par exemple.

L’équipe a au contraire découvert que le cerveau des enfants étaient organisés autour de « centres » ou « hubs », comme un réseau de trafic ou un réseau social efficace. Les enfants qui avaient des réseaux cérébraux bien connectés pouvaient soit avoir des difficultés cognitives spécifiques – comme par exemple des troubles de l’écoute, ou aucune difficulté cognitive du tout. A l’opposé, les enfants qui avaient des réseaux mal connectés, avaient des problèmes cognitifs sévères et diffus.

« Les scientifiques argumentent depuis des décennies qu’ils existent des régions cérébrales spécifiques qui prédisent tel trouble ou difficultés, mais notre étude prouve que cela n’est pas le cas » explique le Dr Duncan Astle, principal investigateur de l’étude. « En fait, il est beaucoup plus important de prendre en compte comment ces différentes zones sont connectées entre elles et plus spécifiquement si elles sont connectées autour d’un centre. La sévérité des différents types de difficultés d’apprentissage était fortement associée à la connectivité de ces centres et nous pensons que ces centres ou hubs jouent un rôle essentiel dans le partage de l’information entre différentes zones du cerveau ».

Le Dr Astle dit qu’une des implications de leur découverte est que la prise en charge devrait être moins dépendant de l’ « étiquette diagnostique ».

« Recevoir un diagnostic est important pour les familles. Il permet de reconnaître les difficultés de l’enfant et de recevoir l’aide de professionnels. Mais en terme de prise en charge, cela peut être une distraction. Il vaut mieux évaluer les zones de difficultés cognitives et comment ces zones peuvent être aidées par des interventions spécifiques pour aider ces difficultés cognitives. »

Cette découverte pourrait expliquer pourquoi les traitements médicamenteux ne sont pas efficaces pour les troubles du développement. Le Méthylphénidate (Ritaline), par exemple, qui est utilisée pour traiter le TDAH, aide à réduire l’impulsivité, mais n’améliore pas les difficultés cognitives ou les progrès scolaires. Les médicaments ciblent différents types de neurones, mais n’ont que peu d’impact sur l’organisation en hub du cerveau.

Bien que c’est la première fois que l’on découvre que les hubs et leurs connexions jouent un rôle dans les difficultés d’apprentissage et les troubles du développement, leur important dans les troubles du cerveau et de plus en plus évidente. Des chercheurs de Cambridge ont montré dans d’autres études qu’ils jouent aussi un rôle dans les troubles qui émergent à l’adolescence, comme la schizophrénie.

Fin de traduction d’article de NeuroscienceNews

Commentaire du Dr Yannick Pauli, chiropraticien spécialisé en neurologie fonctionnelle neurodévelopementale à Lausanne et créateur du Programme Brain Potential, un programme d’évaluation et d’accompagnement neurodévelopmental de l’enfant en difficulté et de sa famille.

« Je suis extrêmement heureux de voir une telle publication scientifique qui nous en apprend plus sur ce qui se passe vraiment dans le cerveau de nos enfants en difficultés.

Heureusement, il n’aura pas fallu attendre 2020 pour avoir des pistes diagnostiques et cliniques. En neurologie fonctionnelle neurodévelopmentale, cela fait plus de 20 ans que nous accompagnons des enfants en difficultés d’apprentissage, de comportement et de développement dans un modèle similaire à celui décrit dans l’étude du Dr Astle.

Depuis le début des années 2000, nous utilisons une approche « transdiagnostique » qui n’a pas pour but de « nommer » un trouble et le traiter avec un traitement médicamenteux à taille unique, mais bien de comprendre comment le cerveau se développe et comment ses différentes régions se connectent entre elles. Le but est ensuite, par des interventions réhabilitatives naturelles, de venir renforcer la connectivité, là où elle est déficiente ou mal organisée.

Dans notre jargon, nous appelons cette problématique un « syndrome de déconnexion fonctionnelle » et l’expérience clinique de centaines de praticiens formés à cette approche, soutenue par plusieurs études cliniques, a montré que les problèmes de connectivité ne touchaient pas seulement différents centres cérébraux, mais également la connectivité entre les hémisphères. Mieux encore, ces troubles de connectivité peuvent être améliorés chez une grande majorité d’enfants sans l’utilisation de médicament et se traduisent régulièrement par de grands progrès en matière d’apprentissage, de comportement et de cognition. »

Recherche originale :
Siugzdaite R et al. Transdiagnostic brain mapping in developmental disorders. Current Biology 10.1016/j.cub.2020.01.078.

Source de l’image
Crédit à Roma Siugzdaite

Pour plus d’informations :
Dr Yannick Pauli – Centre NeuroFit – Avenue Vinet 19 – 1004 Lausanne
contact@dryannickpauli.com

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